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Du terrain à la présidence : le parcours d’une pionnière du basket

Le 22 mai 2025, la Commission Patrimoine s’est rendue à Bry-sur-Marne pour une rencontre aussi émouvante qu’enrichissante. Michet RAT, Président de la Commission, accompagné d’Emma PLAUT, ont eu l’honneur d’échanger avec Monique ROUSSEL, véritable figure du basket en Île-de-France.

Emma : Vous avez consacré une grande partie de votre vie au CS Bry-sur-Marne à travers différents rôles. Quels souvenirs ou quelle période vous ont le plus marquée ?

Monique : Du point de vue du basket à Bry-sur-Marne, c’est la création du club. Ma mère en a fait partie, au début de la guerre. À la fin de la guerre, on avait demandé que tous les stades revivent un peu. Pendant la guerre, tout était fermé, il n’y avait plus de gymnase, plus de stade, plus de moyens de communication. Le gouvernement a demandé que le sport revienne. À Bry, des messieurs se sont réunis pour essayer de recréer du sport, c’est-à-dire basket, gym, foot. Ils sont venus, le jour même de la création, voir ma mère, qui était une sportive, et lui ont posé des questions. Elle a répondu : « Je sais pourquoi vous venez me voir, vous voulez mes filles », et les messieurs ont répondu : « Non, c’est la mère qu’on souhaite ».
C’était un dimanche matin. Mon père, qui était aussi sportif, un footballeur, a répondu : « Pourquoi pas ». Si bien que tous les dimanches, à partir du 12 septembre 1943, nous sommes allés au stade Léopold BELLAN, qui n’existe plus aujourd’hui, et on s’est occupés de la naissance du basket à Bry. Maman était la dirigeante. Moi, je n’étais pas bien vieille, mais j’aimais ça. Les années passant, je m’en suis de plus en plus occupé. Je me suis occupée de tous les sports à Bry : entraîner, jouer, arbitrer, diriger. Je n’étais pas bien vieille. Les années ont passé et j’y suis restée jusqu’en 2004. De 1943 à 2004. Ma mère m’ayant rapidement laissé la présidence.

Après, avec M. GUIRAUDET, etc., ils ont demandé à ma mère si elle ne voulait pas venir aider dans les commissions. Elle a répondu : « Non, non, j’ai de jeunes enfants, mais je vais vous envoyer une de mes filles ». C’est tombé sur moi ! Ça, c’était juste à la fin de la guerre. J’ai fait partie de la Commission Sportive, qui était dirigée à l’époque par M. NONNENMACHER. Je sortais de l’école et j’allais directement à la rue d’Amsterdam. M. NONNENMACHER travaillait beaucoup et arrivait tard. Je finissais donc très tard. Pour rentrer, je devais prendre un taxi de la rue d’Amsterdam jusqu’au château de Vincennes et avoir le dernier bus. Je n’ai jamais dit à mes parents que l’argent qu’ils me donnaient pour la semaine me servait à payer le taxi. Ça a duré une saison.

Après, j’ai eu un autre président, M. FOUQUET. Il est resté quelques années. Puis est arrivé M. GENTILLY. Il est resté un moment. C’est ensuite moi qui ai pris la présidence de la Commission Sportive. J’ai organisé tous les championnats pendant des années. On avait une équipe qui se réunissait toutes les semaines, on se répartissait les tâches.

J’étais une bonne joueuse, j’ai notamment joué aux Finances avec Gisèle BOISSON.

Michel : Comme joueuse, tu as joué à la fois dans le milieu du basket fédéral, scolaire, et notamment avec les Finances ?

Monique : Élève dans un établissement à Vincennes, le collège Alfred de Vigny. Ce n’était pas un grand collège, mais la directrice était sportive. C’est une femme qui m’a suivie. J’ai fait beaucoup d’athlétisme aussi.

Michel : À l’époque, l’hiver on faisait du basket, et l’été de l’athlétisme. C’était considéré comme un moyen de préparation estivale sur le plan physique.

Monique : Du point de vue de l’athlétisme, j’ai fait une belle carrière aussi. J’ai été championne de Paris au 4x100m. Quand PUJAZON a fait sa première exhibition à Paris, ils avaient mis des épreuves pour combler, il y avait du sprint féminin, dont j’ai fait partie.
J’étais suivie par la directrice de mon école, très sportive.

Elle avait créé l’aviron féminin sur la Marne à Joinville. L’aviron masculin était reconnu, mais pas le féminin, et encore moins d’un point de vue scolaire. Elle a su ouvrir à Joinville une équipe. Je n’y suis pas allée le premier jour. Le lendemain matin, j’ai été convoquée dans son bureau. Elle m’a dit : « Vous n’êtes pas allée à l’aviron hier ? Mais je vous assure que ça vous aurait plu. » Je lui ai répondu : « Mais madame, je suis sûre que ça m’aurait plu, mais je ne peux pas tout faire. »

Michel : Ça représente bien ce qui se passait à l’époque : on touchait à toutes les activités. Tu faisais de la natation, de l’athlétisme, du volley-ball, de l’aviron… C’était une époque où les activités physiques n’étaient pas encore marquées par la spécialisation comme aujourd’hui.

Monique : L’aviron féminin n’était pas reconnu dans le sport scolaire.

Michel : Et concernant le club de Bry, toi, tu as été pratiquante, entraîneur, présidente… Une multi-activité au sein du club.

Monique : J’ai été reconnue et remerciée par la commune bien des fois.

Michel : Il y a des événements marquants par rapport à ton histoire avec Bry ?

Monique : C’était en 1945, au mois d’avril. L’équipe de France préparait les championnats qui avaient lieu pour la première fois après la guerre, les championnats d’Europe en Suisse. Ils cherchaient un lieu pour s’entraîner. Dans les joueurs de l’équipe de France, il y avait Étienne ROLAND, qui habitait au Perreux, à côté de Bry. Il venait chercher son lait pendant la guerre à côté de chez moi, donc il me connaissait. En 45, il est venu voir ma mère pour savoir si, à Bry, on avait un moyen de recevoir l’équipe de France.

Effectivement, on avait dans le square de Bry un bâtiment prévu en cas d’afflux de malades. Il y avait deux-trois salles, et nous avons pu l’obtenir pour y faire un hébergement. Pour l’entraînement, ils allaient au stade. On avait déjà une salle à l’époque, construite à la fin de la guerre 14 pour les militaires américains : la salle Léopold BELLAN, qui existe encore. Le terrain de sport n’existe plus, mais la salle, oui. C’est là où nous avions notre petite équipe.
Pour recevoir l’équipe de France, il a fallu que ma mère use de son charme auprès de la Fondation FLAVIER pour avoir des draps, etc., pour équiper l’équipe. C’était un square avec une maison dedans, donc ils étaient contents, ils pouvaient aller et venir dans le square. Il y avait comme un petit restaurant un peu plus haut où ils prenaient leur repas. Tout ça en 45.

Michel : Ça, c’est un événement marquant dans la vie du club. Mais toi, Monique, tu as vraiment tout fait dans ce club, et en même temps tu étais à la Ligue…

Monique : Et en même temps je travaillais ! J’étais dans le secrétariat chez BAYER, une grosse société où je suis restée 36 ans.

Emma : Pour revenir sur la Commission Sportive, quel a été, selon vous, l’impact le plus significatif de votre action au sein de la Commission Sportive Régionale ?

Monique : Ma présence régulière. Je n’ai jamais cherché à me mettre en avant ou autre. Je me suis entourée d’une équipe avec M. FOUQUET, M. GENTILLE, qui sont restés longtemps président. 

M. GENTILLE travaillait à la BNP et, je crois, quand la BNP est devenue sponsor du basket, c’était un peu grâce à lui.

Michel : Dans cette Commission, vous organisiez les championnats à tous les niveaux ?

Monique : Ça a duré un bon moment, puis on a eu deux commissions : masculine et féminine.

Michel : Est-ce qu’à l’époque vous vous occupiez des sélections de jeunes ?

Monique : Non.

Michel : Est-ce qu’il y avait déjà des équipes de Paris qui préparaient des compétitions dans le cadre des inter-régions ?

Monique : Oui, il y en avait deux-trois, j’en ai fait partie.

Emma : Comment voyez-vous l’évolution du rôle des femmes dans les instances sportives depuis les années 60 ?

Monique : Je l’ai subie, l’évolution des femmes. Il y en a qui ont plus ou moins œuvré, avec un rôle important. Il y avait des femmes dans certains clubs qui étaient très au fait, très présentes et très précieuses pour le basket. Tout doucement, ça a éclaté en « messieurs », mais il y avait des femmes vraiment importantes dans le sport, et dans le basket précisément.

Emma : Vous considérez en avoir fait partie, de ces femmes importantes ?

Monique : Tout ça, c’était du bénévolat pour moi, mais je pense quand même que tout ce que j’ai fait pour le basket, ce n’était pas si mal !

Emma : Oui ! À votre échelle, vous avez fait en sorte que les choses évoluent et avancent !

Monique : Ah bah oui ! J’ai vu évoluer, bien sûr. On a fait des sélections, que ce soit sur un plan régional ou départemental. Quand en 1964 les départements se sont créés, moi, j’habitais Bry, je faisais partie de la région, mais automatiquement, on m’a demandé si je pouvais m’occuper du Val-de-Marne. Tous les huit départements autour de Paris se sont créés grâce à des gens de la région qu’on a implantés à droite ou à gauche, sous prétexte qu’ils étaient du département. C’est comme ça que je me suis retrouvée au Val-de-Marne, où je suis restée jusqu’en 2004. J’ai d’abord été trésorière, mais c’était difficile de ne pas laisser à certains la possibilité d’en faire plus que ce qu’ils voulaient.

Christian Misser est celui qui a pris ma succession.

Michel : Tu as accompagné les équipes qui sont allées en Israël, au Canada… C’est à quelle époque, et à quoi cela correspondait-il du point de vue politique de développement de la Ligue ?

Monique : C’était une volonté d’aller vers l’extérieur, et aussi parce qu’on recevait en France des équipes étrangères. Par exemple, pour Israël, on avait reçu une équipe d’Israël en France. On les a promenés sur la Seine, sur un bateau. Leur dirigeant était très gentil, et deux ans après, ils nous ont invités en Israël avec Annie BARENHOLZ. Il n’y avait que les garçons en seniors qui sont partis. C’était au cours des années 60.

Michel : Vous êtes allés où alors ?

Monique : Moi, j’ai commencé par le Canada, la Pologne avec l’équipe de France masculine et l’équipe féminine de Paris. En Suisse, le groupe s’est séparé : moi, je suis allée à Varsovie avec les filles, et les garçons sont partis plus loin. Il y avait M. PHILIPPE.

Et Israël. J’avais un peu peur, car c’était déjà une époque difficile, mais ça s’est très bien passé, on a été très bien reçus. On n’a pas pu aller dans certains endroits, mais j’avais à cœur d’aller au port d’Eilat et nous avons pu nous y rendre. On est aussi allés à la mer Morte, où je me suis baignée ! En principe, pas beaucoup de femmes s’y baignaient. On est allés aussi en Hollande, pour un tournoi, et j’ai été surprise de l’organisation : plusieurs équipes jouaient en même temps, mais il n’y avait qu’un dirigeant, et dès qu’il sifflait, tout le monde s’arrêtait. Le dernier voyage que j’ai fait, c’était en 88, au Maroc.

Michel : Tu as aussi beaucoup connu les MATALOU.

Monique : Francis MATALOU était responsable de la sélection masculine dans les années 60, puisqu’on faisait les matchs contre les grandes capitales. On a rencontré Milan, la sélection olympique américaine, etc.

Notre engagement pour Bry-sur-Marne vient de ma grand-mère. Elle a été élue au conseil municipal avant, pendant et après la guerre. Ma mère avait créé en 1923 la première équipe de basket féminin avec sa sœur, sa cousine et des voisines. La première était l’équipe des LINETTES DE SAINT-MAUR. Ma mère a créé une des premières équipes.

En 1943, tous les dimanches, on voyait des hommes se réunir et marcher autour du stade, et on a appris à la fin de la guerre que c’étaient des résistants, qui étaient aussi amis de ma mère. C’est comme ça que, petit à petit, tout ça s’est créé.

Entretien réalisé par Michel RAT et Emma PLAUT

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